Profanation de la chapelle de la base navale de Toulon

Communiqué de Mgr Ravel évêque aux Armées françaises
mercredi 12 décembre 2012.
 

1. La qualification religieuse des faits.

Dans la journée du 8 décembre 2012, des actes sacrilèges ont été commis dans la chapelle militaire Saint Vincent de Paul de la base navale de Toulon sans que, aujourd’hui, le ou les auteurs soient identifiés. Les trois objets matériels atteints revêtent un caractère essentiel pour le culte catholique : le baptistère, fracassé, symbole de la renaissance produite par le baptême ; l’ambon, attaqué, et le livre des Saintes Ecritures, jeté par terre puis piétiné, symbole de la Parole de Dieu qui nourrit le chrétien ; le tabernacle, forcé, symbole de la tente où était gardée l’Arche d’alliance.

Mais, pour nous catholiques, ces violations du sacré religieux passent derrière la profanation accomplie en jetant les hosties consacrées par terre. Il ne s’agit plus alors pour nous de symboles chargés de sens mais de la réalité ultime par excellente, celle-là même que nous adorons au cours de nos messes et de nos adorations eucharistiques, le Christ en personne sous les apparences du pain.

Par son caractère gravissime, ce geste doit être reconnu comme une profanation telle que l’entend l’Eglise catholique dans sa Tradition et son Droit (CIC 1211) : sans qu’on puisse connaître aujourd’hui les intentions de son ou de ses auteurs, il faut reconnaître le caractère précis de l’acte qui ne visait ni au vol ni à la dégradation mais à atteindre directement les réalités les plus sacrées de notre culte et indirectement la communauté catholique tout entière. Le code de droit canonique précise (CIC 1367) que « celui qui jette les espèces consacrées, ou bien les emporte, ou bien les recèle à une fin sacrilège, sera frappé d’une excommunication « latae sententiae » réservée au Siège Apostolique », ce qui signifie qu’il est excommunié automatiquement et que seul le Pape peut lever cette excommunication. Par là, l’Eglise catholique exprime sa foi en l’Eucharistie et l’extrême importance qu’elle attache à son culte.

Cette profanation entraîne la fermeture temporaire de la chapelle à des fins de culte jusqu’à la célébration, par l’évêque, moi-même, du rite pénitentiel prévu par le droit et la liturgie de l’Eglise. Cette célébration aura lieu le mardi 18 décembre à 9 h 30.

D’ici là, j’invite instamment les aumôniers militaires catholiques et tous les fidèles à renouveler leur foi dans le mystère eucharistique : •pour les prêtres en célébrant une messe pour implorer de Dieu une ferveur nouvelle et Le remercier pour ce don inestimable. •Pour les aumôniers diacres ou laïcs en préparant et proposant un ou des temps d’adoration eucharistique durant ce temps de l’Avent. •Pour les fidèles catholiques du diocèse aux armées en participant à une ou plusieurs messes en semaine en sus de la messe du dimanche durant ce temps de l’Avent.

2. Cet événement appelle quelques remarques complémentaires.

Notre foi en sortira grandie. Par l’absurde et par la provocation propres à toute profanation, il est clairement établi que les catholiques croient en l’Eucharistie et que le monde ne l’ignore pas. Nous sommes heureux, malgré notre blessure, que l’on nous reconnaisse comme des hommes et des femmes marqués par l’Eucharistie, des hommes et des femmes adhérant à la présence réelle du Christ sous les apparences du pain.

Nous prierons pour le ou les auteurs sans préjuger des motifs ténébreux qui ont présidé à cette profanation. Il est dangereux d’imaginer derrière cet acte quelque crime organisé lié à un mouvement de pensée ou à une religion. Les religions et les humanismes dignes de ce nom savent respecter les signes et le sacré des autres cultes, même ceux auxquels ils n’adhèrent pas eux-mêmes. J’ai reçu le soutien total et fraternel des aumôniers en chef de tous les cultes présents dans nos armées.

Notre attitude n’exclut pas la gravité des faits que certains nieront par ignorance du religieux. Il est vrai que ces actes n’ont que peu d’incidence économique ou financière : ils ne visaient pas à une dégradation des lieux. Pour autant, ils touchent à des valeurs religieuses considérables. De ce fait, le préjudice est immense. Les militaires, mais aussi tout citoyen français, nous comprendront d’autant plus qu’ils savent ce que représente la valeur des symboles. Tel est le cas, par exemple, de notre emblème national aux trois couleurs : atteindre le drapeau français en le bafouant ou en le salissant ne froisse pas seulement un morceau de tissu mais blesse toute la communauté qu’il représente.

J’ai reçu l’assurance d’un total et amical soutien de la part de nos plus hautes autorités militaires qui prennent ce geste déplorable très au sérieux.

Notre attitude de miséricorde n’élimine pas non plus notre désir de justice qui monte de façon légitime dans toute personne ou communauté bafouée dans son être profond. Suite à la plainte de l’aumônerie, la gendarmerie maritime (avec sa police scientifique) poursuit son enquête en vue d’établir les faits et de trouver leur(s) auteur(s). L’aumônerie souhaite que, sans trace de haine ou de violence, la justice aille jusqu’au bout de son travail. Au-delà de nos armées, c’est la société française qui se trouve ébranlée dans l’équilibre toujours délicat des forces sociétales et religieuses présentes dans notre pays. La justice seule éduque au respect.

Paris, le 12 décembre 2012.

+ Luc Ravel Evêque aux Armées