Retour sur “Intouchables” comme leçon provie !

mardi 10 janvier 2012.
 
A l’heure où Intouchables poursuit son ascension dans le haut de l’échelle des films français les plus vus, entre La Grande Vadrouille et Bienvenue chez les Ch’tis, il n’est pas inutile de souligner la leçon profondément provie de cette comédie où l’humour côtoie assurément l’amour et l’émotion.

A la suite d’un accident de la vie, un homme tombe dans un trou profond, très profond, et se fait mal, très mal, à en pleurer sinon à en mourir. Passe un autre homme dont dépend le destin de cette personne touchée. Que fait-il ? Il prend une pelle et décide de combler le trou de terre. Bien des pelletées plus tard, il se penche pour voir le « condamné ». Oh, surprise ! A chaque coup de pelle, ce dernier se secoue pour enlever la terre tombée sur lui, la tasse et monte dessus. Ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il puisse sortir du trou avec l’aide de celui qui est devenu son sauveur.

Voici résumée sous forme de fable la formidable histoire d’Intouchables dont Tugdual Derville a remarquablement expliqué la morale (dans Valeurs actuelles du 4 janvier) tant pour le film que l’histoire réelle dont il s’inspire.

La chute dans le trou d’abord : « L’enfermement dans lequel nous trouvons le personnage figurant Philippe Pozzo di Borgo tel que le joue admirablement François Cluzet dans son fauteuil roulant, vient de la peine provoquée par la mort de son épouse bien-aimée. Béatrice l’avait aidé à surmonter l’accident puis le handicap. Devenu veuf, il est inconsolable... intouchable. »

L’issue ensuite : « Ce qui va le guérir, c’est cette amitié improbable et virile nouée avec son auxiliaire de vie... Un amour d’amitié a surgi dans l’humour... Philippe et Abdel avaient lu dans trop d’yeux que leurs vies étaient foutues. Plus personne, sans doute n’avait foi en eux. Intouchables raconte la métamorphose de leur ironie de morts-vivants en humble joie. Tout être humain perdu a besoin d’un bon ange pour ouvrir son cœur. Anges les deux hommes le furent l’un pour l’autre, derrière leurs déguisements de fauves blessés, tout à tour consolateurs et consolés. »

La vie est faite ainsi de chutes, de blessures, de souffrances physiques, morales ou psychiques. Lesquelles peuvent avoir un caractère destructeur pour nous-mêmes avec le renfort malheureux de nos proches, si nous nous replions sur nous-mêmes et si les autres nous enterrent dans ce repli. Comme aurait pu aussi le faire l’individu à la pelle ! Or le même geste matériel peut formellement devenir acte d’enfermement ou planche de salut. La terre jetée par notre prochain peut nous condamner ou, au contraire, devenir porteuse d’espérance. Lui et nous pouvons la transformer ensemble en échelle de Jacob, cette terre agissant alors comme trait d’union pour notre salut, pour peu qu’il y ait rencontre, confiance et coopération dans l’amitié.

C’est un changement de regard, un retournement moral dont nous avons besoin les uns les autres dans ces circonstances. C’est toute la différence qu’il y a par exemple entre les soins palliatifs qui entourent un grave malade ou au contraire une volonté d’euthanasie qui capitule. Au lieu de redouter et fuir la fragilité, la pauvreté ou la vulnérabilité de l’autre, l’accepter et trouver en elle la brèche féconde qui peut le libérer, le sauver, en nous libérant et nous sauvant nous-mêmes. Car nous sommes tous handicapés de quelque manière, l’un physique, l’autre social et un troisième autrement.

Cette leçon flagrante du film renvoie à la spiritualité de la communauté de l’Arche fondée par Jean Vanier, où c’est l’infirme, le pauvre, le malade qui devient notre « maître en humanité », nous révélant nos propres enfermements. Dans un enrichissement mutuel que manifestent si bien les Intouchables. « Regarder l’autre d’un regard sain et saint. Oser l’aborder. Partager dans les difficultés. Et si vous avez tenu la porte à une personne handicapée à la fin du film, gardez-la grande ouverte ! », résume Philippe Pozzo di Borgo (Famille chrétienne du 16 décembre) qui explique comment la foi de Béatrice et la sienne l’ont porté dans les épreuves et qui donne là le ressort de la civilisation de l’amour au service résolument du mystère naturel et surnaturel de la vie humaine.

Laissons la conclusion à Tugdual Derville, qui peut aussi en parler comme délégué général de l’Alliance Vita : « Belle leçon, à condition de reconnaître que toute relation d’entraide relève d’une alchimie... Le cœur à corps qu’Intouchables nous propose va bien au-delà de la confrontation entre un délinquant et une personne handicapée : c’est l’aventure humaine. Chacun peut y prendre place avec sa propre vulnérabilité... Intouchables nous montre simplement combien précieuse est la fragilité humaine. »